La visite d’une île est toujours précédée par son mythe: icebergs et aurores boréales entretiennent l’imagerie polaire. Réputé hostile, le climat n’attirerait sous ces latitudes que les explorateurs assez aguerris pour partager les interminables nuits des autochtones. C’est oublier que le Grand Nord connaît aussi une saison d’été permettant les balades en short, avec toutefois l’inconvénient de la prolifération des moustiques sous un soleil qui ne se couche jamais. Ainsi, aux vacanciers familiers des contrées méridionales, les croisiéristes proposent de plus en plus l’alternative de fjords étincelants.
Superbe isolement
Le Groenland compte environ 80 villes, villages ou sites habités, dont 25 totalisent moins de 100 âmes. Partout, c’est la sensation de rusticité qui domine. Certes, aux anciens abris en tourbe ont succédé ces photogéniques maisonnettes en bois, souvent accrochées à un rocher, toujours vivement colorées, parfois surélevées d’un grenier.
Modernité? Contrairement aux paraboles de la télé qui foisonnent, le tout-à-l’égout et l’eau courante peinent encore à y être installés, en raison des très basses températures hivernales… lesquelles ne permettent pas non plus d’enterrer les morts autrement que sous un tumulus pierreux.
On the rocks
«J’en mettrais bien deux dans mon whisky», plaisante un croisiériste en contemplant le défilé ininterrompu des icebergs. A en croire le capitaine, ici, dans la baie de Disko, certains peuvent mesurer jusqu’à 100 mètres de haut. «Profitez bien de ce paysage intact!», suggère un passager norvégien, qui en connaît un bout sur les conséquences du boom pétrolier dans son propre pays. «Le gros des ressources souterraines groenlandaises reste encore à découvrir (lire encadré). Leur future exploitation constitue une priorité gouvernementale et permettrait au Groenland de gagner son indépendance financière vis-à-vis du Danemark. Il faut inciter les amateurs de grands espaces à découvrir l’authenticité polaire toute affaire cessante, avant la multiplication des derricks et des liaisons aériennes.»
Pour sauvegarder la vie sauvage, les touristes responsables s’engagent à ne rien laisser sur place, ni rien prélever. Mais qu’emporteraient-ils de plus précieux que leurs souvenirs et images de ces sites encore intacts, ramenant aux origines du monde?