Voilà des lustres que les quelques 80 îles de l’archipel des Lofoten, dans le nord de la Norvège, stimulent l’imagination des amateurs de paysages intacts, nourrissant leurs fantasmes de vie simple et naturelle. L’approche par bateau via le Vestfjord est des plus romantiques: d’abord la masse sombre des pics semble surgir de la mer, austère et déchiquetée; un rude panorama que viennent adoucir, progressivement, de minuscules hameaux posés sur leur carré d’herbe, blottis au pied des sommets.
Constituées de formations géologiques datant parfois de plusieurs centaines de millions d’années, ces îles en chapelet sont désormais reliées par des ponts. Les siècles y ont aménagé des lacs cristallins, des moraines glacières, des cascades dégoulinant en panaches, de longues plages de sable blanc. Ici et là émergent d’énormes rochers polis par l’érosion, baignés d’eaux aux teintes parfois caribéennes: turquoise, émeraude. De l’image dure et prenante des hautes cimes enneigées, on passe à celle de tendres bocages peuplés de gras moutons.
Entre tradition et modernité
Les premiers habitants de cette terre tourmentée furent des pêcheurs et chasseurs, attirés par une faune abondante. Périodes de richesse et de disette se succédèrent sur cette terre depuis le Moyen Age jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, lorsque la modernisation de la pêche vint stabiliser la prospérité régionale.
Entre janvier et mars, les morues adultes quittent la mer de Barents pour rejoindre les eaux tempérées de l’Atlantique. Cette migration saisonnière déclenche un grand branle-bas de navires pressés de remplir leurs cales. Mais les morues se font rares, ce qui entraîne un certain exode de la population locale. Difficile d’imaginer l’époque où «les bancs étaient si épais qu’on pouvait presque marcher dessus» comme l’affirment les vieux en avalant quelques gorgées de bière locale. Sans doute font-ils référence à des temps qu’eux-mêmes n’ont pas connus. Ils occupent leur robuer (chalet typique souvent monté sur pilotis, qu’ils louent aux touristes estivaux). Les poissons sont vidés autour de ces cabanes colorées, puis séchés en plein air ou sur des cadres de bois. Ainsi exposé, le skrei – manne des Lofoten – fait alors figure de trophée de chasse. www.pichonvoyageur.ch