Si les contrastes peuvent nous frapper sous toutes les latitudes, ils sont en Inde plus marqués et sans doute plus difficiles à supporter. Nulle autre civilisation n’expose successivement – parfois simultanément et de façon aussi radicale – quelque chose et son opposé: l’éternel et l’éphémère, la misère et le luxe, le vrai et le faux, la méthode et le désordre, la beauté et la laideur. Ainsi, le voyageur déconcerté louvoie en permanence entre les miasmes du caniveau et les délicats effluves du jasmin, entre les envoûtantes mélopées de cithare et l’assourdissant vacarme industriel.
Le novice souhaitant s’immerger dans ce vaste territoire serait bien inspiré de se fixer un but précis. Pourquoi pas le périmètre parfois qualifié de Triangle d’or indien? Cette région septentrionale délimitée grosso modo par New Dehli, Agra et Jaipur s’avère si riche en héritage qu’il suffit d’en déborder un peu pour obtenir une sorte de condensé de l’Inde fantasmée.
Comme en croisière
Par quel bout commencer, où loger, quel budget? Une solution résout tous ces problèmes: se laisser mener par l’un ou l’autre des trains de luxe qui sont à l’Inde ce que l’Orient-Express était à l’Europe. Une semaine de Bombay à New Dehli (ou l’inverse) suffit à éblouir la clientèle – plutôt mûre et aisée – embarquée dans des compartiments tout confort. Les habitués des croisières maritimes auront tôt fait de trouver leurs repères, tant s’impose la comparaison entre train et paquebot: offre forfaitaire, cabine plus que confortable, repas servis dans des voitures de restauration combinant mets à tendance indienne ou européenne, même qualité de service.
A chaque arrêt, des guides compétents embarquent les voyageurs dans des bus climatisés pour les escorter vers tel ou tel palais, forteresse ou musée. On passe ainsi d’une réserve de tigres à l’emblématique Taj Mahal – icône nationale située à Agra – sans aucun souci de réservation, sustentation, pourboire et autres tracasseries. Une étonnante logistique!
Au terminus, la mémoire pourrait bien frôler la saturation, tant elle aura emmagasiné de couleurs, parfums, sonorités, saveurs et curiosités. Il lui manquera néanmoins une expérience moins contrôlée, moins aseptisée, dans ce que l’Inde a de plus authentique… tout ce qui restera à découvrir – pourquoi pas – lors d’un prochain périple.