«Je viens de passer trois ans à Rio pour mes études, et me voici de retour à Petrópolis, ma ville natale. Bien sûr, l’effervescence de la mégapole va me manquer, mais je n’y retournerais pour rien au monde. Ici, je me sens vraiment en sécurité», confie Cristina, 22 ans, dans un anglais parfait. Ses connaissances linguistiques ont facilité son engagement en tant que guide aux brasseries Bohemia, vaste édifice industriel réhabilité en un musée de la bière (rien à envier à celui de Guinness, à Dublin), une attraction touristique appréciée des Brésiliens et des visiteurs étrangers de passage dans cette ville située à 68 km au nord de Rio de Janeiro.
Influence germanique
La jeune femme ne tarde pas à critiquer l’actuel régime du président Jair Bolsonaro, honni par l’immense majorité des autochtones. «En 1843, notre souverain Pierre II – inspiré par son père – a entrepris la fondation de cette ville et la construction de son palais d’été. Les belles maisons alignées le long des canaux témoignent de notre passé aristocratique.» Cristina ne mentionne pas le superbe édifice Rio Negro, réservé au gouvernement, et qui pourrait bien voir débarquer Jair Bolsonaro. La production de bière n’est pas le seul indice d’une influence germanique sous ces latitudes. L’architecture locale témoigne de l’immigration massive de fermiers teutons, encouragés dès 1845 à s’installer sur les terres de l’empereur.
Un monarque éclairé
Les hordes scolaires et touristiques qui visitent le palais de Pierre II –devenu Musée impérial – baignent dans la nostalgie du «magnanime», comme on le surnomme encore. Le septième enfant de l’empereur Pierre Ier et de l’impératrice Marie-Léopoldine d’Autriche hérite d’un empire au bord de la désintégration. Il va le transformer en une puissance émergente reconnue pour sa stabilité politique, sa liberté d’expression et son respect des droits civiques… à mille lieues de ce que le pays endure actuellement. Le souverain pousse à l’abolition de l’esclavage, signée par sa fille Isabelle. Il promeut l’apprentissage, la culture et les sciences. Cette politique suscite le respect et l’admiration de Charles Darwin, Victor Hugo et autre Friedrich Nietzsche.
Après l’avènement de la République et l’exil de la famille impériale en 1889, la ville continue à jouer un rôle important dans l’histoire brésilienne. On y visite aussi diverses demeures de célébrités (lire encadré) et un lumineux Palais de Cristal.