Ne vous attendez pas à traverser une forêt de sapins décorés en parcourant les rues commerçantes du centre-ville. Des illuminations féeriques – façon Champs-Elysées –, pas davantage. Pour vous faire une haie d’honneur le long de l’incontournable Promenade des Anglais, les centaines de palmiers emblématiques n’ont pas cédé la moindre palme à de possibles guirlandes lumineuses. Pour s’immerger dans une ambiance festive, il faut viser la Place Masséna, le joyau de Nice. C’est là, le long des élégantes façades au célèbre rouge pompéien, que s’alignent les cabanons du marché de Noël (jusqu’au 4 janvier), pareils à ceux de Vienne, Munich ou Strasbourg.
Les traditions locales auraient-elles cédé à la mondialisation des courants nordiques? Faudra-t-il allumer un cierge à l’église de l’Annonciation (connue de tous comme celle de Sainte-Rita, avocate des causes désespérées) pour enfin photographier une crèche?
Le secours viendra de Mireille, qui tient un stand de santons: «Vous avez ici les personnages principaux – Jésus, Marie, Joseph – tous minutieusement confectionnés à la main par des artistes de l’arrière-pays.» Force est de reconnaître que, depuis les temps bibliques, la foule des adorateurs du Divin-Enfant s’est considérablement étoffée. On y repère désormais des paysannes, boulangers, pêcheurs, musiciens, palefreniers et autres figurants chamarrés.
Nostalgies provençales
La crèche provençale est le fruit d’un itinéraire unique, mêlant au fil du temps, le profane au religieux. «Ces personnages ont toujours leurs collectionneurs», précise la marchande en regrettant la progressive disparition de ce qui enchantait ses jeunes années: «Il y avait tant de rites attachés aux 24 et 25 décembre. Aujourd’hui ne subsistent guère que la messe de minuit – pour ceux qui y vont encore – et les treize desserts, composés entre autres d’amandes, noix et noisettes, figues et raisins secs, pommes, poires, nougats, etc.» A Nice et au-delà, la soirée de Noël commençait jadis par la coutume – plutôt païenne – du cacho fio, présageant le retour du premier soleil de la nouvelle année. Avant de passer à table pour le gros souper, on allumait une bûche d’un arbre fruitier (poirier, cerisier, olivier) qui devait brûler pendant trois jours et trois nuits. Une triple libation sur la bûche était ensuite pratiquée avec du vin cuit.
Un passant s’immisce dans la conversation pour évoquer aussi les touchantes pastorales de jadis, pièces de la Nativité parlées et chantées. «Maintenant, on reste à la maison pour regarder à la télé une 200e rediffusion de La Grande Vadrouille. C’est comme ça, mon bon Monsieur, tout fout le camp!»
A quelques mètres, les haut-parleurs d’une patinoire diffusent une version techno de Jingle Bells. www.pichonvoyageur.ch